Jean-Pierre Favino 1984 - Paris Clignancourt

Jean-Pierre Favino s'en souvient comme si c'était hier : Quand Georges Brassens venait à l'atelier pour se commander une guitare, ou s'en faire réparer une tout le monde s'arrêtait. Parfois, quelques copains suivaient le moustachu, et ils faisaient le bœuf. Mais même quand il venait seul, Georges Brassens était accompagné de quelques bouteilles de rouge, histoire d'avoir le temps de causer avec le " père Favino " . " C'était un endroit magique ", se souvient Jean-Pierre. Tellement et même trop. De ces lieux où le passé a pris une telle densité qu'il peut en devenir difficile à respirer. Surtout quand on a décidé de chercher son propre souffle.
Voilà pourquoi Jean-Pierre a décidé de quitter Paris, il y a trois ans, pour aller se poser aux pieds des Pyrénées, entre Saint Gaudens et Saint Girons, à Castelbiague exactement.

Mais tous connaissaient déjà la route…. C'est là qu'ils viennent se faire fabriquer leurs guitares sur mesure. Et les manouches sont les plus fidèles, eux, les rois du swing et de la bricole, devant une Favino, ils s'inclinent
Samedi, Jean-Pierre Favino s'est pointé à Rodez avec un press-book gros comme ça. Pas pour frimer, non, mais simplement pour donner à rêver aux amoureux de la guitare réunis à la MJC. Et ils ont rêvé ! Pas seulement devant cette galerie d'artistes photographiés à l'atelier, ou sur scène avec leur Favino. Mais aussi devant toutes ces guitares, qu'elles soient électriques, acoustiques ou électro-acoustiques, folk, jazz ou classiques. Et toutes celles inventées. Celles qui ont des rosaces comme des yeux pour rire ou pleurer. Celle qui ont des doubles manches ou encore celle qui ont pour greffon tout un réseau sophistiqué de cordes sympathiques Il y a aussi la " Verseau ", une invention 100% Favino fils : celle-là , dotée de deux manches qui se tournent le dos, se joue recto et verso (pratique, quand on veut avoir sous la même main une guitare aux cordes acier et une autre aux cordes nylon).
Mais ne dites pas à Jean-Pierre Favino que c'est artiste. Lui préfère le terme d'artisan luthier. " Je ne fais pas des œuvres d'art, mais des outils " explique-t-il. Des outils qu'il s'efforce d'adapter au plus près au besoin de l'artiste. " Respecter ses moindre désirs ", dit-il. Pour Brassens, par exemple, le père Favino avait construit un moule spécial. Car le sétois, un peu rital dans les veines, recherchait un type très particulier d'instrument : ni jazz, ni folk, mais les deux à la fois. Georges Brassens, pourtant, commençait tous ses concert avec sa première Favino. Fidèle. Jean-Pierre Favino se souvient qu'elle portait des encoches sous le manche, taillées par l'artiste, du temps où il apprenait encore. Il y a des souvenirs comme ça qui vous laissent une encoche